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noir et blanc - Page 2

  • Hans Op de Beeck N&B

    Grâces soient rendues à Roger Pierre Turine, dont le bel article dans La Libre du week-end dernier m’a poussée à découvrir illico ce « Merveilleux Op de Beeck ! » au Botanique : « The drawing room », de grandes aquarelles en noir et blanc, un rendez-vous avec la lumière, avec les nuances, une atmosphère zen traversée par la musique de Tom Pintens (j’y reviendrai). 

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    © Hans Op de Beeck, Amusement Park by Night
     (en grand ici)

    Hans Op de Beeck, né en 1969, vit et travaille à Bruxelles, généralement à des « installations globales multidisciplinaires » (peinture, sculpture, installation, vidéo, écriture, scénographie et composition musicale). Depuis 2009, il peint la nuit, entre ses grands projets – comme « In Silent conversation with Correggio » à Rome – des « paysages postmodernes », des « images intemporelles et universelles » (texte de présentation).

     

    L’espace d’exposition du Botanique a été complètement repensé par l’artiste, les œuvres sont présentées sur des murs peints en gris pour mettre en valeur le blanc des zones non peintes, quoique pas absolument vierges pour autant. Pas d’étiquettes, mais on peut obtenir à l’entrée un plan avec les titres (courts, simples, en anglais). On se croirait dans une rue, le soir, éclairée par des réverbères, les aquarelles tenant lieu de fenêtres éclairées. Et pourtant, comme l’écrit Roger Pierre Turine, il s’agit plutôt de « recréer un monde du dedans ».

     

    Un chat et un poisson nous accueillent, chacun seul sur leur feuille, côte à côte, tournés l’un vers l’autre. Puis vient un premier paysage : une forêt de sapins sous la neige, motif qui revient à plusieurs reprises. Plus loin, une maison près d’un bois, fort éclairée, avec à l’avant-plan un nu et son reflet, une scène à la Magritte. 

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    © Hans Op de Beeck, Silver sea (en grand ici)

    Les paysages naturels, mer d’argent sous les étoiles, oiseaux sur un arbre, nuages ourlés de lumière – quasi tous en format panoramique – alternent avec des vues de ville, surtout celle-ci, « The little Ssed » (le petit abri) qui m’a fascinée : sur l’autre rive, une ville de grands immeubles éclairés que le peintre nous montre d’un ponton, tout près d’un îlot minuscule avec une cabane et un arbre, et au centre de l’œuvre un autre arbre, sur lequel on a appuyé une bicyclette. Entre le proche, le lointain, l’intime, le spectaculaire, le regard va et vient.

     

    L’exposition continue à l’étage, sur les mezzanines. Hans Op de Beeck peint aussi le corps humain, la peau tatouée, un homme en costume (profil coupé à hauteur de la bouche), une femme aux gestes élégants en robe orientale (de face, du col à mi-cuisse), des bottes noires… Il aime décentrer son sujet, comme s’il nous laissait disposer de l’espace non peint pour imaginer un contexte, une histoire. Cet espace libre pour l’imaginaire n’est pas vide pour autant : on y voit des textures, des taches d’eau, des gris marbrés très doux.

     

    Vagues, nuages, l’artiste aime visiblement les éléments naturels dans leurs métamorphoses et cela ressort encore avec plus de force de son film d’animation (quinze minutes), « Night time », diffusé en boucle dans une alcôve au bout de la salle d’exposition (l’air y est rapidement irrespirable quand elle est pleine) : sur l’écran qui occupe tout le mur du fond, Hans Op de Beeck anime ses aquarelles, celles de l’exposition et beaucoup d’autres, dans des fondus enchaînés de toute beauté. 

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    L’eau d’un lac prend vie, la pluie ou la neige se mettent à tomber, une barque traverse l’espace, les nuages bourgeonnent, les étoiles se mettent à scintiller dans la nuit. Mer, forêt, maison, ville, pont, usine, tous les décors s’enchaînent avec une grande douceur, conjuguent le mouvement et l’immobilité, la réalité et le rêve. De temps à autre apparaît un visage aux yeux fermés, image d’intériorité. La musique de Tom Pintens (chanteur flamand, guitariste et pianiste), qu’on entend dans toute l’exposition, accentue l’aspect onirique, l’atmosphère paisible du monde nocturne de Hans Op de Beeck.

     

    « Qui connaît son œuvre, ses vidéos et ses installations, sait combien elles sont frappées d’une poésie discrète. Op de Beeck scrute l’humanité en chroniqueur lucide des aléas journaliers, des rêves et des utopies de tout un chacun, de la banalité quotidienne » a écrit Roger Pierre Turine dans son portrait de l’artiste à l’atelier (LLB, 2012, à propos du documentaire de Rita Mosselmans). Vous pourrez découvrir « The drawing room » jusqu’au 4 janvier prochain, mais je vous déconseille d’attendre. Il y aura sans doute de plus en plus de monde. Et par ces jours d’automne, vous verrez aussi le parc du Botanique paré de ses plus belles couleurs.

  • Des photos au musée

    L’extension récente du Musée de la Photographie à Charleroi était un bon prétexte pour enfin découvrir ses collections. Cela vaut le déplacement. Au carrefour d’une avenue fort passante, derrière un bosquet de bouleaux, seules les briques rouges de la façade ancienne apparaissent dans une pluie d’orage, et une grande photo sur un pignon latéral.

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    Première exposition, « l’abécédaire » noir et blanc d’Hugues de Wurstemberger : « De marques en mesures, de voyages en absences est venu le désir d’en faire un recueil, sorte d’abécédaire : l’arbre, le chat, le soleil et la mouche », peut-on lire près d’une photo de Pauline et Brigitte. Des instantanés évoquent la vie tranquille : deux pieds qui vont se poser sur l’eau, une racine sur une dalle abandonnée dans l’herbe, des chiens au bout de leur chaîne, des enfants, leur grand-mère. Moins familières, ses images ramenées d’Afrique, notamment du Sahara occidental. Sur la photo de quatre pilotes marocains capturés (dixit la légende), on les voit en train d’écrire à leur famille. Fragments de têtes, bras, mains, cigarettes, briquets, et les feuilles de papier noircies d’écritures diverses. Nous sommes en vie, écrivent-ils peut-être (c’est ce à quoi j’ai pensé).

    Par la galerie du cloître, qui a perdu son carrelage mais gardé les boiseries de sa voûte et, près d’une fenêtre, de beaux éviers creusés dans la pierre noire, on arrive aux collections du XIXe siècle. Les vitrines conservent de vieux appareils et instruments, des albums, des portraits richement encadrés, un livre de Darwin, L’expression des émotions chez l’homme et les animaux (1877), illustré de visages aux mimiques variées. Plus loin, un magnifique visage de fillette au regard plein de défi : The Anniversary, de Julia Margaret Cameron ; des portraits de jeunes femmes silencieuses en longues robes, d’allure préraphaélite, qui font penser aussi aux toiles de Fernand Khnopff, comme les Etudes de jeunes filles de Gustave Marissiaux.

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    Une porte ouvre sur la nouvelle aile du musée, où les baies vitrées révèlent l’architecture contemporaine. Cap sur les XXe et XXIe siècles. Après la palette de gris qu’on appelle le noir et blanc, le monde retrouve ses couleurs. Un ballet de nuages au-dessus d’une route dans l’Arizona, de Stephen Share. Au centre d’un magnifique halo obscur, Lisa Kereszi a saisi une danseuse en rouge sur une scène : elle bouge dans la lumière du projecteur, et son ombre immense sur le mur du fond. Une grande vue de Séoul par Stéphane Couturier est rythmée par les perpendiculaires de grandes poutres métalliques. Une Haie de Manfred Jade nous fait plonger dans le feuillage, un rectangle saturé de verdure. Passer d’un univers à l’autre, sans transition, désarçonne un peu.

    A-t-on suivi ou perdu le sens du parcours ? Voici la section des photographes les plus connus et des moments historiques : visages du Ché, Mort de Martin Luther King, Mai 68, Prague, la jeune fille à la fleur face aux fusils manifestant contre la guerre au Vietnam (Marc Riboud), des portraits saisissants de Diane Arbus. Somptueuse neige de pétales sur une jeune fille et sur le sol sous un cerisier japonais, par Edouard Boubat. Que donnerait cette scène en couleurs - au lieu de tout ce blanc, du rose ? Pourquoi la perception en noir et blanc diffère-t-elle à ce point de la vision en couleurs ? Pourquoi les photographes contemporains se passent-ils encore souvent de ces dernières ? Est-ce pour les effets de lumière, les contrastes, ou pour effectuer leurs propres tirages ?

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    Plein de questions passionnantes accompagnent cette première visite au Musée de la Photographie où l’on se promet de retourner, pour mieux voir. Avant la sortie, encore un coup d’œil à l’exposition de Dave Anderson, Rough beauty, avec un puissant portrait de Ray Wilson. Sur les murs, des maximes : « Rester ici et faire avec », « Le monde n’a pas été fait pour nous devoir quelque chose. Il a été fait pour qu’on y fasse quelque chose. » J’ai souri à la rencontre d’un chat noir et d’un chat blanc.